Histoires Noires Pour Nuits Blanches by Hitchcock Alfred

Auteur:Hitchcock, Alfred [Hitchcock, Alfred]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique, Policier, Suspense
Éditeur: Presse Pocket
Publié: 2014-02-03T23:00:00+00:00

LES RACINES DU MAL

(For Every Evil)

par DOUGLAS FARR

Tous les clients du bar de Sam Jessup en auraient mis leur main au feu. Dans cette bagarre, les responsabilités étaient claires. D’abord, pour une question de taille. C’est toujours le petit qui trinque, alors on a pitié de lui et on prend son parti.

Charles Ames faisait à peine un mètre soixante pour cinquante kilos tout mouillé. Ses petits poings serrés n’auraient pas fait peur à une mouche et son nez à piquer des gaufres constituait une véritable provocation. Sa tignasse blonde en bataille, son teint pâlichon et ses grands yeux bleus innocents lui donnaient l’air d’un gamin. Charley n’en avait pas moins trente-huit ans.

Frank Kasten, pour sa part, tenait davantage du gorille que de l’homo sapiens. Grand, large et velu, il était doté de battoirs impressionnants, d’un nez écrasé de boxeur, et d’un tempérament à l’avenant.

Personne n’aurait pu dire comment l’affaire avait commencé, Charley Ames moins que tout autre. Sa journée à la banque terminée, Charley s’était retrouvé chez Sam, assis au bar, comme beaucoup d’autres célibataires. Un double bourbon bien tassé sans glaçons, et les soucis du quotidien sombraient déjà dans un passé nébuleux.

C’est alors que, tel un gros nuage noir dans le ciel bleu de Charley, Frank Kasten apparut. Planté à côté de Charley, il se mit à raconter sa vie avec amertume.

D’abord son fils, un bon à rien de quinze ans, qui ne fichait rien à l’école, manquait de respect à ses parents, et conduisait la voiture sans permis ni l’autorisation de son père. Que faire d’un gosse pareil ? Lui flanquer une bonne raclée de temps en temps.

- On ne bat jamais un enfant, commenta Charley qui ne pensait pas particulièrement au fils de Frank mais à ce qu’il avait lui-même subi pendant sa jeunesse, à la « punition de la salle de bains » où il s’était vu si souvent dans l’obligation humiliante de baisser son pantalon pour présenter son maigre postérieur à la ceinture paternelle.

Mais Frank prit la remarque pour lui et fusilla Charley du regard.

- On ne vous a rien demandé !

Si Charley entendit quelque chose, il n’en laissa rien paraître. Perdu dans ses souvenirs, il commanda un deuxième double bourbon qu’il se mit à siroter tristement.

Frank Kasten s’en prit alors à sa femme, qui défendait toujours le gamin. À l’entendre, on aurait cru que c’était Frank qui faisait les bêtises. Elle était sans cesse à l’asticoter. Et puis, quand le môme recevait une dégelée, elle se mettait à hurler comme si on l’égorgeait. Que faire d’une femme pareille ? Une seule solution : lui flanquer une raclée en même temps qu’au gosse.

- Vous devriez avoir honte, énonça Charley.

Frank pivota brutalement.

- Je vous demande pardon ?

- Vous devriez avoir honte, répéta Charley, hanté par le visage tuméfié de sa propre mère et les braillements avinés d son père.

- Qu’est-ce que vous en savez ? éructa Frank.

- Je sais tout, pontifia Charley. Je suis un spécialiste.

- Eh bien, monsieur le spécialiste, mêlez-vous de ce qui vous regarde !

Sous l’effet du bourbon, Charley se sentit investi d’une mission divine.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.